Sciences Po, les élites et moi...

Publié le par sab

Sur Rue89: Sciences-Po occupé : caricature de la "fabrique des élites"


Je ne peux m'empêcher de réagir...

L'attitude des étudiants sciencespotards scandant des slogans stupides en attendant de pouvoir rentrer dans le bâtiment est choquante pour tout le monde, même pour les sociaux-traîtres élitiste de gauche qui profitent du système... Bon, oui, forcément, je me sens quand même un peu concernée par cette remise en cause de Sciences Po Paris et des IEP en général. Mais, oui, d'abord, s'il y a un fossé, une certaine incompréhension voire un rejet entre Sciences Po Paris et l'université, il en est à peu près de même entre Sciences Po Paris et les IEP de Province (qui s'insurgent contre cet IEP qui s'attribue le monopole de l'étiquette "Sciences Po" et qui clame haut et fort qu'il est le meilleur parmi tous ces établissements de Province au rabais).
Ceci dit, le système des IEP est tout à fait criticable et probablement élitiste, effectivement un concours est censé sélectionner les meilleurs étudiants, concours face auxquels tous les étudiants ne sont pas égaux et concours qui peut avoir pour résultat un certain état d'esprit chez les sélectionnés satisfaits de leurs personnes et ne vivant plus que dans le monde clos de l'IEP ("cette grande famille"). Ensuite, les cours et leur qualité sont discutables aussi, et je me demande parfois si les potentiels bons résultats des IEP et le succès rencontrés par leurs étudiants n'est pas essentiellement dû au fait que les exigences à l'entrée de ces établissements sont élevées, les élèves écrémés et a priori motivés (en ayant souvent bavé pour y rentrer, ils n'ont pas tellement envie d'en être éjecté). Bref, les IEP gagneraient sûrement à être repensés, en tout cas ils gagneraient sûrement à se considérer eux-même, les étudiants et peut-être d'abord les administrations, comme pas plus que ce qu'ils sont: de bons établissements pluridisciplinaires, et exit les questions d'excellence et du mieux qu'ailleurs. Malgré tout, la question reste de la possible remise en cause de la sélection, ou simplement du fait que l'IEP soit un établissement à part entière et non une fac comme une autre. Un problème pour lequel j'ai du mal à me positionner, me disant aussi que c'est pas tout de cracher dans la soupe, si on est vraiment contre le système on peut déjà commencer par le quitter.
Bon. Mais je m'éloigne un peu du sujet.
Il faut savoir aussi que tous les étudiants d'IEP ne sont pas tous formatés, certes certains veulent réellement faire de la politique, oui il y a pas mal de gens issus de milieux relativement aisés et enfants de prof, d'accord, certains ont la grosse tête... Mais pas tous. Par rapport à l'un des commentaires de l'article qui disaient qu'on se retrouverait tous au chômage parce qu'il "y en a peu qui arrivent à des taffs « politiques »", quand je vois que dans ma promo il doit y avoir à peine une dizaine de personnes qui veulent vraiment se lancer en politique, et encore, souvent par les voies de l'ascension administrative, je trouve que ces propos sont un peu trop réducteurs et évacuent tout ce qui pourrait concerner le journalisme, l'administration publique, les relations internationales, l'économie et la finance, l'action sociale ou encore l'action culturelle. D'autre part, en ce qui concerne  ces "rustres petits bourgeois déconnectés des réalités sociales", j'ai un peu envie de dire pas forcément plus qu'ailleurs mon grand...  A  l'IEP de Grenoble, on exige de nous d'être assez au courant de l'actualité par exemple, pas mal d'étudiants s'engagent pour un certain nombre de causes, des sections, options et masters sont dirigés spécifiiquement vers la compréhension de cette fameuse réalité sociale, vers les ONG, l'action sociale même ou encore l'économie sociale et solidaire, et mes cours m'apprennent depuis 3 ans en quoi l'Etat dans lequel nous vivons est bien un joyeux monstrueux bordel. Après, il est vrai que souvent pas mal de ces enseignements "plus proches" de la réalité sociale sont choisis et non obligatoires pour tous. Je pense même pouvoir ajouter que les étudiants qui se dirigent vers ce genre de cours et d'études ne sont malheureusement pas ceux que l'on retrouvera en position de diriger une politique sociale nationale... Il est regrettable que ces cours ne soient pas obligatoires, que ni les IEP ni l'ENA ne rendent obligatoire un stage à caractère social dans le parcours (ce qui au niveau de l'ENA et vu ce qu'elle forme est complètement fou!) et j'admet que l'enfant de famille bourgeoise/catho devra faire lui-même le choix et la démarche de s'intéresser à cette réalité pour mieux la connaître (à supposer qu'il puisse aussi changer sa propre grille de lecture de la société). Là se pose de nouveau la question de savoir qui rentre dans ces établissements et de savoir qui souhaite se lancer dans ce type d'études. L'ENA est un désastre à ce niveau là depuis quelques dizaines d'années, n'intégrant que des personnes issues de milieux très aisés contrairement à ses débuts, et Sciences Po Paris touche aussi je crois des milieux sociaux beaucoup plus élevés que les petits IEP de Province.

Enfin... Il y a effectivement un tas de choses à changer dans les IEP, et c'est pour ça je crois que, comme pas mal d'autres, j'appréhende toujours un peu les réactions et changements d'attitudes de mes interlocuteurs une fois que j'ai répondu à la question "et toi, tu fais quoi comme études?". Alors il faut sûrement faire la révolution dans les IEP. Mais pas que, il faut aussi impérativement changer l'ENA, principal producteur de dirigeants en puissance et pourquoi pas s'attaquer aux écoles de commerce, bien plus élitistes que les IEP (par les concours et les frais d'inscription) et dont les étudiants auront aussi un impact non négligeable sur la société.

... mais pitié, non, non et non, je refuse d'être assimilée à de rustres fils de bourges consanguins déconnectés des réalités sociales!!

Publié dans politik

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V
Mais j'ai bien peur Sabine que s'il y a révolution, de voir la balance peser vers une restructuration inverse, encore plus élitiste, encore plus fermée vers les réalités sociales ...<br /> Et franchement, ce n'est pas du pessimisme mais vu la gueule de notre gouvernement actuel, les révolutions ...
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